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Histoires d'Allaitement... témoignage de Lauriane

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Dans le cadre de la semaine mondiale de l'allaitement, voici aujourd'hui mon témoignage, dans lequel je partage  mon "histoire d'allaitement".... 

 

 

Déjà enceinte je savais que je voulais allaiter. Autour de moi, dans la lignée des femmes de ma famille, mais aussi des femmes qui m’entourent, très peu ont allaité, et très peu comprenaient ce choix que j’allais entreprendre de faire. Allaiter son nouveau né était pour moi une chose naturelle, innée et tout à fait normale. Je les entends encore me dire ou me murmurer à l’oreille pour les plus gênées d’entres elles, qu’avec tous les super laits en poudre qui existent aujourd’hui pourquoi Ciel j’allais m’embêter à allaiter ? Leurs mots résonnaient en moi comme un jugement, un jugement dans lequel je sentais et ressentais un sentiment de frustration pour celles ayant échoué ou pas tenté l’expérience, et un sentiment de contrariété pour les autres. Allais-je douter ? Poursuivre et maintenir mes idées, ce qui me semblait le meilleur pour mon enfant ? Ou être influencée par toutes ces femmes et sous leur emprise en m"inclinant devant mon choix d'allaiter pourtant si fort, tout comme était ce lien qui nous unissait jusque là.

Mon accouchement est pour bientôt, ma DPA approche. J’ai accouché une semaine avant terme. Un accouchement long et difficile. Je suis fatiguée, j’ai faim, j’ai soif, j’ai besoin de dormir. Ma fille est là, posée sur moi et la première mise au sein se fait. La gynéco me recoud, l’aide soignante me fait une toilette éclair. Mon conjoint sort de la salle, je me retrouve seule avec ma fille, cette étrangère qui fait de moi une maman. J’ai peur, peur de ne pas l’aimer, peur de ne pas y arriver, peur de la faire tomber…


La sage femme m’annonce deux heures de peau à peau avec mon bébé pour faciliter un bon allaitement et une bonne stimulation du lait. Je devrais être aux anges, savourer et profiter de chaque minute avec ma fille, être émue et ravie de passer ce moment magique et intime avec elle, mais non, je n’y arrive pas.
En face de moi  il y a une grande horloge, que je ne cesse de fixer. Je compte les minutes, les secondes… Vite, je veux retourner dans ma chambre. Je suis exténuée. J’ai fait mon travail, ma fille est née, maintenant qu’on me laisse un peu en paix ! Mais il me faudra patienter deux bonnes heures encore avant de pouvoir boire et me reposer. Je ne fixe pas ma fille, je n’y arrive pas. Mes yeux se ferment, j’ai peur de la faire tomber. Elle tète mon sein et je me rends compte que je n’aime pas cette sensation. Je n’arrive toujours pas à la regarder, mes yeux sont rivés sur l’horloge, sur ces chiffres qui défilent au compte gouttes. J’ai l’impression de ne pas être normale, la sensation d’être une mauvaise mère, d’être égoïste et de ne penser qu’à moi. 

Retour en chambre. Ma fille pleure beaucoup. Les horaires de tétées à respecter m’effraient. J’ai peur que mon bébé ne tète pas assez, peur de lui donner pas assez de lait, peur qu’elle ne mange pas à sa faim. Je sens monter une forte pression en moi, je me sens seule, pas soutenue, ni pas mon conjoint ni par l’équipe médicale. La première nuit je demande à ce qu’on prenne ma fille, on me répond que non, les femmes qui accouchent naturellement gardent leur bébé avec elles. Encore une fois, je ne suis pas une bonne mère, je sens que quelque chose n’est pas normal. Ma fille pleure beaucoup, je n’arrive pas à la calmer, les tétées sont de plus en plus angoissantes, j’ai l’impression de ne pas avoir le droit de me plaindre, moi cette femme tant désireuse d’allaiter mon bébé… Je suis lancée dans une spirale infernale, je m’en veux mais je n’ose pas parler de mon mal être. Je continue d’allaiter mon bébé. Je ne sais même pas quelle position prendre, quelle est la plus efficace, quelle est celle dans laquelle je serais la plus confortable… 
On me laisse là, je dois me démerder seule ! Mes angoisses augmentent. Va-t-elle retrouver son poids de naissance ? Mange-t-elle à sa faim ? Qu’est ce qu’une montée de lait, est ce que ça fait mal ? Paniquée, j’attends avec impatience que la montée de lait se fasse car enfin je pourrais me dire que je suis normale, que ma lactation est bonne. J’ai peur de mal faire encore et encore.
J’ai cette impression que ma fille est toujours penchée sur mes seins, que je ne fais que ça la nourrir… D’ailleurs je me demande si je la nourrie bien car elle pleure toujours beaucoup, je la sens angoissée, je suis angoissée. Encore une fois je culpabilise en me disant que c’est ma faute car je sais combien ma peine est perceptible. J’en peux plus, je demande à stopper mon allaitement, je sens que ça ne me convient pas, que ça ne rassasie pas mon bébé. Mais j’ai toujours ce sentiment qu’on écoute pas ma demande, que je ne suis qu’une jeune mère allaitante comme les autres qui rencontre quelques difficultés et que c’est tout à fait normal. Mes seins me font mal, je n’arrive toujours pas à fixer mon bébé dans les yeux. 

Allaiter devient un calvaire. Une auxiliaire de puériculture me dit de mettre la première phalange de mon petit doigt dans la bouche de ma fille qui selon elle, est à la recherche de succion. J’en peux plus, je craque.

JE NE VEUX PLUS ALLAITER ! Pourquoi personne ne m’écoute ? Pourquoi personne ne veut entendre mon mal être ?

Ma fille a une jaunisse à fort taux et fait deux à trois séances d’UV par jour dont une toujours vers les 1h du matin. Rester éveillée est très dur et la réveiller encore plus, pauvre bichette. Car oui, personne ne vient chercher ma fille à cette heure là, un simple coup de téléphone qui réveille par-dessus le marché ma voisine de chambre. Ma fille est à la pouponnière, je retourne me coucher. Deux heures après le téléphone sonne à nouveau, il faut que j’aille donner le sein à mon bébé… Je n’en peux plus. Qu’il est dur et violent pour moi de voir mon bébé avec ses lunettes violettes et un gros bandage sur le visage. Je ne la reconnais pas. Je me demande si c’est bien mon enfant. Je la sens, je la respire et je me rends compte que je ne connais même pas son odeur… J’ai hâte de partir de cette clinique, de rentrer chez moi, chez nous.

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Nous sortons le jour de la fête des mères. C’est un beau cadeau pour une maman de sortir ce jour là, mais je ne peux m’empêcher de me dire que c’est un signe, qu’il n’y a pas de hasard… Je doute et ne cesse de culpabiliser… Quel est ce nouveau statut qui me colle désormais à la peau ? Ai-je envie et suis-je prête à être une mère ?

Je quitte la clinique soulagée, mais avec la boule au ventre car je sais que le retour à la maison avec ce petit bout de chou sera difficile. Ma fille pleure toujours autant. Je me sens seule et démunie face aux cris incessants de ce petit être. Je ne sais plus quoi faire, ni vers qui me tourner. Je continue à l’allaiter mais c’est dur, de plus en plus dur… J’ai besoin de repos, de sommeil, d’aide, de soutien, mais personne n’est présent pour moi. Je poursuis l’allaitement à la demande. Les tétées sont longues, mon lait clair… Je me demande si je donne assez à manger à ma fille, je culpabilise à nouveau…
Le lien ne se fait toujours pas, j’ai peur… Elle dort très peu et crie beaucoup. J’ai peur qu’elle ait mal, qu’elle soit en carence, que mon lait ne lui suffise pas… Je me sens aller droit dans le mur. Je craque souvent, tout le temps, tous les jours et  à plusieurs reprises. Comment un si petit bébé peut arriver à chambouler totalement mon quotidien, comment peut il me rendre si démunie et triste ? 
Ma mère vient passer une semaine chez moi. Elle a senti que j’en avais besoin, que je n’allais pas bien. Je tire mon lait pour que ma mère puisse donner des biberons à ma fille afin que je puisse enfin dormir. Je me décharge totalement sur elle. J’ai de nombreux engorgements, une fabrication de lait abondante, ça déborde des coussinets. Obligée d’aller sous la douche masser ma poitrine. Ma fille pleure toujours autant
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Mon lait est limpide. Je le pense très peu nourrissant. Ma mère me dit d’aller à la pharmacie acheter une boite de lait en poudre et d’essayer d’alterner sein/biberon. Je lui demande de venir avec moi. Je culpabilise. Je m’en veux de ne pas donner le meilleur à mon enfant, d’échouer dans mon rôle de mère nourricière. Il est très violent pour moi de devoir céder et donner le premier biberon de lait de substitution à ma fille. Mais bizarrement, elle ne pleure plus.

Elle me regarde, et je la regarde téter pour la première fois. Une vague d’émotion m’envahie. Tant de souffrance à présent effacée par une simple prise d’un biberon ? Je culpabilise.  Je me dis que moi sa mère je ne suis pas arrivée à la nourrir durant tous ces jours…

Les biberons s’enchainent. Ma fille les supporte bien. Je la sens apaisée. Elle dort plus longtemps, crie moins. Je décide de ne plus allaiter. D’ailleurs la coupure de mon lait s’est faite nette, rapidement, sans l’aide de médicaments. Je sais aujourd’hui que si j’ai raté mon allaitement c’est entièrement de ma faute, car au fond de moi je n’aimais pas allaiter mon bébé. C’est cruel d’écrire cela, mais je veux le poser pour faire comprendre qu’il ne faut pas aller à l’encontre de ses ressentis, qu’il est important de s’écouter, d’écouter son enfant, de répondre au mieux à sa demande.

J’ai longtemps culpabilisé d’avoir stoppé rapidement mon allaitement, mais aujourd’hui je me dis que j’ai fait ce que j’ai pu. J’ai essayé, j’ai échoué…  Je sais les bienfaits de l’allaitement maternel, et je sais aussi que je voudrais essayer d’allaiter mon prochain enfant. Je sais qu’il existe des consultantes en lactation, des animatrices LLL, un réseau de soutien et d’aide autour de l’allaitement et je sais désormais que je ferais appel à ces professionnels pour ne pas abandonner trop tôt.
 

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